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Suite à l'Assemblée Générale qui s'est tenue le 16 novembre, nous avons le plaisir de vous présenter:

- le rapport moral de l'association (télécharger)

- le rapport d'activités 2010-2011 (télécharger)

EOLO, l’année en quelques chiffres :

- 254 livres ont été vendus en quelques mois
- Plus de 200 personnes sont passées par la Caravane des 10 mots
- 60 ont « écrit hors les murs » à Vaulx en Velin
- 2000 spectateurs étaient présents à la Salle 3000
- 135 personnes ont activement participé aux ateliers
- 10 artistes qui s’investissent chaque semaine…
 

Pour célébrer ses 10 années d'existence ainsi que la sortie de l'ouvrage collectif "L'art à la rencontre de l'Autre", l'Association Eolo a organisé, le 6 avril 2011, la journée "Tekitoa ?" au Théâtre des Asphodèles à Lyon.

Différents ateliers artistiques ont accueilli un large public, voici quelques extraits de l'atelier théâtre & vidéo...

 

Voici les extraits du spectacle proposé par les artistes d'Eolo lors de la journée "Tekitoa ?" au Théâtre des Asphodèles à Lyon le 6 avril 2011.

 

par Martine Meirieu


« Celui qui vient vers nous est un étranger, à quoi le reconnais tu ? A ses yeux, à son sourire, à sa démarche. Je ne vois rien en lui qui ne soit l’apanage de nous tous. L’étranger te permet d’être toi même en faisant de toi un étranger. »

 Edmond JABES

 

L’aventure artistique d’Eolo s’ancre dans la mémoire, mémoire de « l’humanitude » comme l’entend Albert Jacquard, mémoire originelle comme l’a fait resurgir Fernand Deligny (1). à partir des archétypes jungiens , mémoire universelle de la condition humaine, de ses passions et de ses travers, de ses peurs et de ses angoisses, dont les grands textes littéraires se font l’écho. (2)

 

Pour illustrer cette démarche, trois exemples emblématiques dans l’histoire d’Eolo

 

Le Geste

A l’origine de notre réflexion, il y a la rencontre avec le monde du handicap mental et le mystère qu’instaure chacun lorsqu’ au détour d’une improvisation nous voyons émerger une pieta italienne (3 )qui sert dans ses bras un enfant en partance avec la certitude résignée d’une souffrance inévitable. Peu à peu s’impose à nous comme une évidence l’idée d’un langage universel qui pétrit l’humain, qu’il soit dans la norme ou hors norme et en fait la caisse de résonance des mythes fondateurs dans le temps singulier de la création.`

 

Plusieurs de nos ateliers se déclinent dans un langage corporel car les participants n’ont pas accès à la parole. Les gestes retenus nous diront le désir d’aimer, certains gestes saccadés la colère, des mains tendus le désir, des regards la tendresse : ces mots sans les dire créent une subtile complicité entre acteurs et spectateurs qui voient émerger devant eux l’écho de leur passion. Parfois c’est un choc, et j’ai toujours noté au gré des performances et travaux d’ateliers partagés que c’est la ressemblance avec l’autre différent qui bouleverse le spectateur et non pas sa divergence. Nous pouvons toujours aller vers autrui avec une certaine compassion, voire de la condescendance mais le don de soi ne se constitue vraiment que dans la reconnaissance de ce qu’apporte l’autre en échange. Car sinon le don est en sens unique et à l’image de la relation Nord/Sud il enferme celui qui reçoit dans sa dépendance alors qu’il a tant à donner et que le chemin de l’équilibre se trouve dans le « contre don » (4).

 

Ce « moindre geste » comme le nomme Fernand Deligny,  ce « moindre mot »  comme l’entend Nicolas Philibert dans son magnifique film tourné à la clinique de Laborde autour de l’expérience de Jean Oury, nous redisent notre humaine condition ,partagée sur la scène qui que nous soyons et d’où que nous parlions. Dans ce lieu le patient est l’auteur de son espace de soin au même titre que l’acteur porteur de handicap est porteur de lui même dans les ateliers d’Eolo.

 

Le geste et le mot 

D’autres ateliers comme ceux « d’Opéra côté cour » décrit dans ce livre par Serge Dorny, directeur de l’Opéra de Lyon, conduisent les participants à se confronter à de grands textes classiques. Jeunes autistes, malentendants,élèves d’ écoles élémentaires dans un réseau de réussite scolaire  inventent à leur manière un langage singulier autour d’œuvres fondatrices. Confrontés à Roméo et Juliette, Hans et Gretel, Barbe Bleue ou l’Arche de Noë, ils s’emparent de ce qui fonde l’humain : amour, peur, doute, fatalité, justice et injustice se déclinent sur un geste ou sur un mot.

 

Dans le spectacle d’avril 2010 à l’Amphithéâtre de l’Opéra, les jeunes malentendants de l’U.P.I du Collège du Tonkin à Villeurbanne,interprètent la fuite d’Hans et Gretel à travers la forêt en les perdant dans la jungle de la ville. Les images des tours de leur cité filmées par leur soin et traitées en direct(5) défilent sur le mur derrière eux et une silhouette minuscule d’un enfant perdu se dessine puis s’éloigne au rythme de sa peur… Pas de mots, des signes, un chuchotement …

 

Les élèves de l’école Michel Servet du RRS de la Croix Rousse, où se croisent des enfants de toutes les origines, de toutes les cultures et de tous les milieux chantent la triste histoire de deux petits enfants abandonnés dans un supermarché alors que leurs parents sans papiers n’ont rien à leur donner à manger. Musique, chorégraphie, jeu théâtral.

A l’école Victor Hugo, les enfants relatent avec humour l’histoire d’un frère et d’une sœur qui se détestent comme beaucoup d’entre eux aiment à le souligner : ils finissent par savoir qu’ils peuvent compter l’un sur l’autre quand la nuit tombe et que la forêt les engloutit.
Des mots, des mots et des sons légers …

 

A l’ITEP de Villeurbanne, des adolescents inquiets nous livrent leurs angoisses dans un univers bizarre peuplé d’hommes en chapeaux melon et de silhouettes dégingandées, un parapluie sous le bras.

 

Le geste, le déplacement et tout d’un coup la magie de la voix d’une jeune fille noire qui chante a capella, avec une énergie peu commune, une chanson qu’elle aime en anglais…

 

Quatre spectacles autour d’un même thème, quatre langages différents et un seul temps d’émotions et de partage pour un public aussi divers que les acteurs… La démarche d’Eolo autour « d’Opéra côté cour » inscrit le public et le comédien, le musicien, le danseur, dans une culture commune. Un temps universel qui tient compte de la singularité de chacun et  donne à voir  une humanité en partage. Le temps du processus est cette conjugaison respectueuse du savoir-faire de l’artiste et de la parole de l’enfant, le temps de la représentation est cet instant magique qui abolit les déterminismes sociaux dans la création.

 

En début d’atelier, les intervenants racontent le début de l’histoire, ils laissent la fin en suspens et les enfants s’en emparent pour se l’approprier à leur façon tout au long du travail. Chaque thématique est revisitée, l’artiste pose des jalons, tâtonne, cherche avec la classe : il se doit d’abord de laisser l’autre s’exprimer pour devenir auteur. Auteur d’un jour dans le spectacle, auteur de sa vie peut-être un instant seulement. Un instant pourtant décisif qui l’amène par le choc esthétique à rentrer dans une dynamique de changement, à dépasser ses préjugés, à casser les ghettos du quotidien pour se dire dans la nudité de l’acteur, sous le faisceau du projecteur.

 

La confrontation avec l’œuvre

D’autres ateliers que l’on pourrait qualifier d’interculturels franchissent les frontières. Dans un premier temps ils mettent en scène de jeunes adultes sénégalais et des français venus de la ville de Vénissieux autour des textes de Leopold Sedar Senghor en septembre 2006 à Joal  au Senegal à l’occasion de l’anniversaire de sa naissance. Confronté à la rigueur du langage du poète, chacun d’entre eux est renvoyé à sa relation avec le savoir. Ici la peur de la culture, là la fierté de sa négritude… Ici l’agressivité envers sa langue, là l’honneur de chanter la beauté de son continent noir en articulant à voix fortes pour donner en partage… Ici la raillerie sous jacente, là le respect et l’allure … Dans le creuset d’une langue commune sur la terre africaine, le rapport Nord/ Sud s’inverse et les deux artistes chargés de la mise en scène émoussent leur savoir faire à la brutalité de cette contradiction. L’exigence professionnelle  (6) alliée à la générosité du projet ne suffisent pas à instaurer un espace commun et l’écart se creuse : les jeunes sénégalais s’emparent de l’espace scénique, les autres s’en excluent … nous renvoyant au paradoxe de ces échanges.

Mais la logique d’Eolo est de toujours (re)commencer , tenter de (re)bâtir, donner une chance à la chance, ne jamais se décourager devant l’ampleur de la tâche et les difficultés qui sont inhérentes à notre projet. Des ateliers reprennent en janvier 2007 autour de ce spectacle sous le regard bienveillant de Thierry Auzer et de son équipe, avec des jeunes de Vaulx en Velin, de Vénissieux, du quartier des Etats Unis dans le 8 ième arrondissement, du 5 Ième… Peu à peu la curiosité pour l’oeuvre naît et la démarche artistique rassemble. Ici et là les voix se mêlent au son du balafon, ici et là le texte jaillit en hommage aux tirailleurs sénégalais, aux hommes noirs et blancs couchés dans les tranchées de Verdun. Ici et là, les danseurs nous disent l’homme Senghor partagé entre deux continents, deux religions, deux destins. Ici et là renaît l’écrivain si fier de sa dignité d’homme noir.

 

Sur la scène, en clôture de la semaine de la francophonie évoluent en harmonie des artistes amateurs colombiens, sénégalais, marocains, algériens, français autour d’un musicien ivoirien, d’un danseur congolais , d’une comédienne française . Ensemble ils s’inscrivent dans le partage de la langue exigeante d’un des plus grands poètes francophones, académicien français de surcroît. Le pari est gagné, l’œuvre a cimenté.

 

Abolir les frontières

En diversifiant les approches, en multipliant les sensibilités artistiques- danse, musique, théâtre- Eolo essaie de mettre en accord, ses convictions de création, sa stratégie pédagogique et la prise en compte de la diversité sociale et culturelle.

 

Eolo tente d’abolir les frontières au travers d’œuvre et d’émotions universelles dans un dialogue permanent entre les artistes qui fonctionnent en tandem pour laisser un espace de liberté à tous ceux qui participent aux ateliers.

 

 La posture d’Eolo amène à parier sur la créativité de chacun et engage à la trouver : la transformation d’objet amène chacun à dépasser sa représentation du monde. Les jeux avec les mots le conduisent à jongler avec le présent, la confrontation avec l’œuvre à s’inscrire dans le temps.

Eolo n’adapte pas les consignes : chacun s’en empare avec son langage particulier pour éviter de s’enfermer dans son handicap.

 

Le choix d’ Eolo est pour des artistes souvent politique, militant ou social. Il est toujours artistique. Il

s’agit pour nous de subvertir la réalité du monde, de l’autre handicapé, de la notre aussi ...

 

Pour nous  enfin, les artistes anonymes croisés dans nos ateliers au fil du temps,échappent au chagrin de leur jour ,les yeux tournés vers l’ avenir, et sont les créateurs de l’impossible. Ils nous réconcilient avec le monde et nous apprennent à lutter, à nous dresser pour avancer. ..

 

 

NOTES :

 

1/In Martine Meirieu »se( re)connaître par le théâtre ,juin 2002 P19.

 

2/In Martine Meirieu »se (re)connaître par le théâtre juin 2002 p34

 

3/In Martine Meirieu »se (re)connaître par le théâtre1,ère édition,septembre 1996 p 86.

 

4/ Voir le livre de Claude Chalaguier, travail ,culture et handicap,le centurion,Paris 1992.

 

5/ il s’agit d’un remarquable travail mené en atelier par Benjamin Nid,vidéaste et musicien contemporain.

 

6/ Martine Meirieu et Pline Mounzeo,danseur de la compagnie  premier temps ont fait la mise en scène du  spectacle Leopold Sedar Senghor et le pays sérère, présenté à Joal le 9 octobre 2006. Il a été repris pour la clôture de la semaine de la francophonie au théâtre des asphodèles le 20 mars 2007 ,puis dans le cadre de « Tout le monde dehors » ,place général André dans le 8 ièùe arrondissement de Lyon et à la Cité de la Sarra dans le 5 ième, les 22 et 23 juin 2007.

« Celui qui vient vers nous est un étranger, à quoi le reconnais tu ? A ces yeux, à son sourire, à sa démarche. Je ne vois rien en lui qui ne soit l'apanage de nous tous. L'étranger te permet d'être toi même en faisant de toi un étranger. » Edmond JABE

 

 

 

 

 

 

L'aventure artistique d'Eolo s'ancre dans la mémoire, mémoire de « l'humanitude » comme l'entend Albert Jacquard, mémoire originelle comme l'a fait resurgir Fernand Deligny1 à partir des archétypes jungiens , mémoire universelle de la condition humaine, de ses passions et de ses travers, de ses peurs et de ses angoisses, dont les grands textes littéraires se font l'écho.2

Pour illustrer cette démarche, trois exemples emblématiques dans l'histoire d'Eolo...

 

Le Geste

A l'origine de notre réflexion, il y a la rencontre avec le monde du handicap mental et le mystère qu'instaure chacun lorsqu'au détour d'une improvisation nous voyons émerger une pieta italienne3 qui sert dans ses bras un enfant en partance avec la certitude résignée d'une souffrance inévitable. Peu à peu s'impose à nous comme une évidence l'idée d'un langage universel qui pétrit l'humain, qu'il soit dans la norme ou hors norme et en fait la caisse de résonance des mythes fondateurs dans le temps singulier de la création.

 

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Cet ouvrage veut donner la parole à ceux qui n'ont pas toujours d'espace pour la prendre : enfants et adultes habituellement exclus du monde culturel. Leur parole croise celle d'artistes, d'enseignants, de philosophes, de responsables culturels. Tous ont le désir d'instaurer des lieux de création où chacun puisse se surprendre et surprendre ceux qui le regardent par ce qu'il révèle.

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Se réaliser en réalisant une œuvre, se créer en créant, en coopérant, tel est l'enjeu d'humanisation active et partagée de l'expérience artistique.

Gérard Guillot